13 – la guerre de mon grand-père : le capitaine est le protecteur des artistes !

Un jour, le capitaine Sablier se met dans la tête de se servir des prisonniers (nous) pour aider au jardin de madame la mairesse : une dame brune à lunettes déjà âgée et, vieux jeu. On nous accompagne au jardin, malgré que Néné et Versini se mettent à bougonner, commençant à en avoir marre des procédés employés vis-à-vis de nous : connaissant un peu nos droits, sachant que tout travail pour civils s’il n’est pas d’utilité publique ou d’urgence, ne peut nous être imposé. Je dis à mon capitaine, toujours souriant, que je ne vais pas faire le jardin, que je fais la guerre.

Le capitaine se met à rire et, pour m’excuser dit à la mairesse : « c’est un artiste du Casino de Nice ». Voilà que la mairesse s’approche de moi et me dit, qu’elle est musicienne, qu’elle organise une fête dimanche prochain et qu’elle compte sur moi pour prêter mon concours. Déjà, ce soir on fait une répétition !

Si j’accepte j’entrevois la possibilité de sortir le soir,  de ce damné cachot, la possibilité de voir M, qui m’a encore envoyé un mot ce matin. On a fait la répétition chez la mairesse, qui est pianiste. D’autres camarades répètent avec moi, Lionel, un autre chanteur qui déclame aussi , Ischer de l’opéra de Marseille, des jeunes filles qui viennent chanter du classique. Je ferais en plus de mon répertoire, un sketch de troupier avec Lionel. La mairesse est aux anges et me remercie de ne pas avoir fait le jardin, car dit-elle, cela nous a permis de faire connaissance,   car à moi seul je tiens une partie de la matinée.

Pendant la répétition, je n’ai pas pu aller au bistrot voir M, comme je le pensais, car le soir, le bistrot est consigné à la troupe. Je couche toujours le soir à la remise,  mais les autres qui ne sont pas en prison sont plus mal lotis que nous.

Le jour de la représentation, un dimanche, je regarde à travers les rideaux de la salle, il  y a la mairesse au piano en tenue de soirée (une robe noire toute pailletée). Tous les gradés et les officiers sont au premier rang, le capitaine devant, plastronnant au milieu des dames en soirée aussi : c’est le gratin du patelin.

Comme musiciens, nous avons le piano, un violon, une contrebasse et une guitare : tout se déroule bien, chacun a son succès : je chante « Les mains de femme » , Amoureux de la république,  la fille de la patronne »,  « rien , rien , rien »,  et ça plait beaucoup, mais où je suis acclamé c’est quand avec Lionel , je viens maquillé en troufion, le nez rouge et le calot enfoncé sur les oreilles et que Lionel déguisé en gradé, me mène par l’oreille, moi faisant semblant de me débiner, en ayant peur du public !

Félicitations du maire, du capitaine, des officiers, de la mairesses et de ses ouailles, et puis, nous nous retirons, car il est tard et, l’heure de la soupe a sonné. Comme de juste, M n’est pas dans la salle, elle est l’esclave de son bistrot, mais j’espère que demain, avec le service que j’ai rendu à la communauté, on me laissera sortir.  Je me promets d’aller parler au capitaine.

Mais non, décidément, pas de chance, le lendemain mon capitaine pour me récompenser et sans doute pour me soustraire à la prison, car parait-il, le motif est parti au poste de commandement, me désigne pour aller faire un stage de mitrailleur, dans un camp qui est à dix kilomètres d’ici.

Comme si j’avais besoin de ce stage alors que je sais le maniement de cet engin sur le bout des doigts. Je dois partir avec un nommé Trastour,  Ischer le ténor et, un autre.

Quand je vois Ischer,  je me dis que cela cache encore une représentation, par le biais de la « mitrailleuse -prétexte » : « Le capitaine est le protecteur des artistes !

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