Les blessures de l’être : le syndrome d’aliénation parentale

Vous vous apprêter à vivre un repas de famille : lisez cela, et j’espère que cela ne vous concerne pas. Ceci est  une histoire banale : il existe de vraies drames (lire : « ma mère est un monstre de « Marie Hilaireau », et un autre livre « ma mère était un monstre de Aloma Gilbert », deux histoires différentes).

Un  désordre psychologique a été  nommé par les psychologues et les juristes : le syndrome d’aliénation parentale. 

Qu’est-ce que c’est ? Il se manifeste lorsque l’un des parents, intentionnellement ou non, crée une distance entre son enfant et l’autre parent, le mettant dans une position où il doit choisir entre ses deux figures parentales.

Le mécanisme agit aussi implicitement dans une famille maltraitante : les parents qui n’ont pas pu faire entendre leur malheur ou être reconnus dans leur souffrance par leurs propres parents ou par d’autres adultes, attendent de leurs enfants de réparer ce qu’ils ont enduré. Or ceux-ci n’en ont pas les moyens. La plupart du temps, un des parents se livre à des comportements aliénants, influençant l’esprit de l’enfant, afin de favoriser chez lui le rejet injustifié et la désaffection à l’égard de l’autre parent. »

Nous ne sommes pas dans la simple solidarité familiale, c’est plus grave que cela et, souvent,  c’est trop pour un enfant. La gravité dépend de l’âge auquel cela démarre , qui peut être très précoce, actuellement.  L’enfant peut se retrouver pris en étau entre les deux parents lors de séparation, lors de la garde non partagée de l’enfant.  Lors de la fuite de l’un deux, l’image de l’autre est  salie, accompagnée d’une dévalorisation qui touche l’enfant au point qu’il se croit responsable, et va vivre dans la culpabilité. Cela se produit aussi  au sein de couples immatures.

Cette violence  morale laisse des traces,  mettant une charge bien trop lourde. sur les épaules d’un mental en développement. On sait qu’à l’adolescence l’enfant va peut-être se rebeller (quelquefois c’est l’anorexie ou la boulimie), mais avant, il ne peut qu’encaisser des paroles qui le heurtent dans son amour naturel, spontané pour l’autre parent.

Les faiblesses et les souffrances des parents sont normales, ce qui devient problématique, c’est lorsqu’ils s’appuient sur de petits enfants,  des être en devenir, pour verbaliser leur haine ou leur impuissance. Adultes, ceux-ci en auront des séquelles.

Voici un témoignage après coup, d’une souffrance morale éprouvée au sein d’un couple : certains d’entre vous pourront s’y retrouver.

« Née après guerre, ma mère qui avait beaucoup souffert, et somme toute, avait eu beaucoup de chance de s’en tirer, mais  a ensemencé la peur en moi : contre ses déprimes, ses confidences douloureuses, j’ai dû lutter pour digérer le fardeau qu’elle m’a transmis.

J’ai  cessé d’être sur les réseaux sociaux depuis plusieurs années, mais je lis les journaux, je les regarde, je suis donc informée de  ce qui ne va pas jour après jour : je dois me tenir au courant parce que nos parents ont soufferts de n’être au courant de rien. C’est  que j’ai appris très tôt, que la fuite est la seule échappatoire : mais il faut être prévenu avant. Toujours la peur : attention, attention, attention ! Quelque fois c’était marqué du sceau du bon sens . 

Ma mère fut pour moi,  une sorte de grande sœur parce qu’elle n’avait pas reçu la protection de sa mère, qui n’ayant fait que travailler, l’avait mise en pension, après l’avoir mise en nourrice dès sa naissance , puis elle était morte dans des circonstances dramatiques, lorsqu’elle avait seize-ans, après de brèves retrouvailles qui avaient  mal tournées, durant ces  circonstances très difficiles. Elle dit n’avoir pas connu sa douceur, sa tendresse et ses caresses, elle était donc  relativement dure, tout en étant maternelle dans ses soins. On peut nourrir ses enfants  sans jamais trop les câliner.

Je me suis contentée donc de souvenirs de repas  relativement simples, d’une maison  bien tenue, à l’exception de la manie de tout conserver parce que la guerre (encore) lui avait appris « à retourner un vieux manteau pour en faire un neuf, à tricoter des pulls après en avoir détricoté d’autres , à cuisiner avec le minimum (un œuf dans la pâte pas deux, pas de beurre) ». Prises de bonne heure ces habitudes m’ont façonné  plus zen je suis, mieux je me porte, gaspiller n’est pas une option ! Nous sommes nombreuses à avoir  connu l’écologie avant l’écologie, on appelait cela l’économie !

Ma mère, qui avait   un fort caractère n’avait  pourtant pas, le gout du sacrifice : à table elle se servait la plus grosse portion, comme si la nourriture allait encore manquer , comme si quelqu’un allait venir nous le prendre ! C’est la réaction des gens qui ont eu faim.v

Elle  était d’un tempérament gai, mais  avec un fond de tristesse qui lui collait à la peau, si bien que très vieille, elle se demandait encore, pourquoi finalement, ça c’était  bien passé pour elle, alors qu’elle me parlait de sa mort depuis mes douze ans, afin que je sois prévenue qu’il fallait que je sache me débrouiller, car pour moi tout allait être comme pour elle. J’ai donc une collection de  souvenirs qui ne cessent de me hanter,  même dans mes rêves. J’ai tout fait pour recoller les morceaux, chaque fois qu’une nouvelle agression me faisait m’éloigner d’elle ,  ne pensant, ne pouvant plus revenir.

Longtemps j’ai cru pouvoir y arriver, retrouver la complicité d’une période qui se situait autour de mes dix ans, quand nous avions quitté la maison où nous vivions avec mes grands-parents, mais ce fut les années brèves de ma pré-adolescence, avant que ne naisse un frère qui fut l’amour de sa vie,  pour lequel elle a beaucoup sacrifié de son énorme égocentrisme.

D’aussi loin que je remonte, elle avait le culte du corps : c’était une très belle femme à qui seuls ses enfants l’ont dit. Elle manquait de confiance en elle, et pourtant nous avons toujours pensé qu’une aussi belle personne ne pouvait qu’être une bonne personne. Notre amour filiale a été mystifié. Dans les classes de maternelle, on fait écrire aux enfants pour la fête des mères : « Ma maman c’est la plus belle ». Pourquoi ne fait-on pas écrire, comme pour les papas, « Ma maman, c’est la meilleure, la plus forte « ? On nous inculque le culte de la beauté, mais derrière peut se cacher beaucoup de méchanceté, de mesquinerie.

Mes parents qui avaient zappé la case adolescents à cause de la guerre ont appris la psychologie avec Raimu, en regardant les films en noir et blanc de Pagnol et, durant des années, j’ai entendu de soi-disant vérités sur les femmes (La femme du boulanger), l’ingratitude des enfants (la trilogie César, Fanny, Marius). J’ai du subir ces propos lorsque je voulais faire des études, lorsqu’arriva le moment de mes premières sorties sans eux.

Elle ne m’a pas  protégé  des injonctions paradoxales de mon père. Le code était : l’autorité, l’autorité, rien que l’autorité. Menacée de la maison de correction dès  que je levais le petit doigt,   je ne me  privais pas de leurs mettre sous le nez leurs propres contradictions : assez vieille pour garder mon frère pendant qu’ils sortaient, ou partaient en vacances, mais trop jeune pour aller au cinéma avec ma copine.

Pour régler le problème que je semblais leur poser,  ma grand-mère voulu me  marier  . Nous n’étions pourtant que des catholiques sans pratique exagérée  des sacrements. Elle mit  une annonce dans un mensuel (imaginez qu’on vous mette sur un site de rencontre en ligne alors que vous voulez faire une carrière et, surtout,  ne pas reproduire le modèle familial), et je reçus plus d’ une trentaine de  lettres de jeunes gens, forcément plus vieux que moi, avec des professions prestigieuses, à une époque où les diplômés n’étaient pas légions comme aujourd’hui. Ma mère se récria, mais comme elle ne savait que crier, ce fut fait et mal fait. Ce fut la  grande déception   de ma vie sentimentale. J’optais donc pour une dépression nerveuse qui dura plusieurs mois, et qui m’ôta définitivement la croyance en la réalisation de mes prières, mais qui ne m’empêcha pas,  cependant, de retomber amoureuse, car j’avais trop besoin d’exister en dehors du cercle familial. C’était l’époque, les jeunes craquaient le corset de la rigueur ambiante…Fille de mai 68, j’ai dû lutter pieds à pieds pour faire respecter mon désir d’être libérée des tabous, de l’autoritarisme de mon père qu’elle n’osait pas contredire, tout en me le dénigrant du matin au soir dès qu’il avait le dos tourné.

Ancrée dans mes résolutions j’ai lutté, dispute après dispute, explication inutile après explication, qui glissant comme sur du marbre, après des ruptures de plus en plus longues , et j’ai finalement renoncé pour me préserver de cette amour-haine dévastateur pour moi. Mais que ne l’ai-je-pas fait avant ? Lorsque j’avais  cinquante ans, que j’avais les responsabilités d’une famille, que j’élevais des enfants,  ça continuait encore. Stop, pouce ! Où est la sortie ?   L’amour filial peut vous désintégrer !

J’ai renoncé : le silence, l’absence, le manque…Mais que se passait-il de mon côté ? Étais -je plus heureuse ?   d’un côté oui, mais d’un autre j’avais une sourde colère, j’essayais d’oublier, je me disais que d’autres n’avaient plus leur mère depuis longtemps et pouvaient vivre,  et que je pourrais donc faire comme eux, elles

Mais malheur à moi, si j’osais dire que je ne voyais plus ma mère, parce que pour moi c’était impossible, les autres qui avaient connu les aides et les encouragements tout au long de leur vie, me taxaient de froideur, d’ingratitude et, la fameuse phrase, revenait comme un mantra : « Une mère, on en a qu’une »,   ce à quoi je répondais intérieurement ….  » Heureusement ! « .

J’ai quand même toujours repris le mince fil qui me reliait à elle, parce que je ne pouvais faire autrement.

J’ai mis longtemps à mettre  des mots pour calmer mes maux : faites de même si votre cœur souffre,  même si la mère, c’est la source à laquelle on voudrait toujours pouvoir s’abreuver …. »La mère, c’est idéalement l’amour inconditionnel, l’amour du père  doit faire ses preuves,  avoir un métier, être responsable, il vient pour nous sortir de notre monde intérieur ».

Pour être mère, consciemment, consciencieusement, il faut une certaine maturité qui vient ou pas chez certaines personnes. On oublie que les femmes ne naissent pas  mère…veilleuse. Nous vivons actuellement un retour de bâton, les femmes veulent de moins en moins d’enfants, tandis que certains pays veulent les forcer à en avoir malgré elles, lorsqu’on voit les dégâts, que cela peut faire.

 

Lire :ttps://www.versusconformita.fr/2020/09/12/secteurs-iv-et-x-axe-de-la-famille/