Une chasse aux sorciéres lancée par Henri IV pour éradiquer le matriarcat

Pierre de Rosteguy de L’Ancre* est un magistrat français né à Bordeaux en 1553 et mort en 1631, surtout connu pour avoir participé à un épisode de chasse aux sorcières dans le Labourd. Cette commission devait « purger le pays de tous les sorciers et sorcières sous l’emprise des démons », faire la lumière, en particulier à Saint-Jean-de-Luz, sur les actes des réfugiés juifs*  expulsés d’Espagne et du Portugal (en 1492 par Isabelle la catholique) et mauresques (jusqu’en 1200 et plus après la Reconquista) , mais aussi sur les mœurs réputées libres des femmes de marins en l’absence de leurs maris, et sur les comportements des guérisseuses et cartomanciennes.

En 1609 : Conseiller au parlement de Bordeaux, Pierre de L’Ancre, est désigné pour s’occuper d’une enquête dans le Labourd (région de Bayonne). Pour lui, la région était la proie du démon, les sorciers étaient partout. D’arrestation en arrestation et après moult interrogatoires, une grande partie de la population finit par avouer sa dévotion au Démon. Beaucoup furent torturés et brûlés. A la fin de sa mission, de L’Ancre était responsable de plus de six cents morts. Rectifiés en 60/70 morts et 400 interrogatoires

En 1612 : Mandaté par Henri IV, Pierre de L’Ancre, composa le « Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité des sorciers et de la sorcellerie » à la suite de l’enquête menée. On trouve dans cet ouvrage une compilation des témoignages de sorcières obtenus sous la menace.

Cet épisode de chasse aux sorcières resta dans les mémoires, et dans les bibliothéques ;  la légende en amplifia quelque peu les dimensions. Un dénommé Reuss, dans un ouvrage sur la sorcellerie publié en 1872, parla de six cents personnes torturées, puis exécutées, parmi lesquelles des femmes, des enfants, des prêtres. En réalité, l’ampleur de l’opération fut moindre : les études publiées  dans la revue du Musée de Bayonne lors de la grande exposition de 1938 sur la sorcellerie, ramenèrent ces chiffres entre soixante et quatre-vingts exécutions, avec l’audition de quatre à cinq cents témoins.

La commission dura  4 mois : fin septembre, les marins revinrent de Terre-Neuve et s’opposèrent violemment à certaines exécutions. La plus grande émeute eut lieu lors de l’exécution de Marie Bonne. La mission finit le 1er novembre 1609, contrairement aux ordres du roi. Des sorcières du Labourd furent emprisonnées au fort du Hâ jusqu’en 1610 en provenance de nombreuses paroisses et de villes, dont Dax. En 1613, il y en avait encore qui attendaient d’être jugées par le parlement de Bordeaux. »

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Il n’en demeure pas moins que son livre fut publié et traduit, et véhicula des horreurs pendant des siècles , et qu’il fut édité et réédité car on le trouve encore.

Ainsi selon Pierre de L’Ancre, « la « sorcière » doit être punie parce qu’elle représente une menace pour la stabilité des structures sociales : son indépendance (sexuelle ou conjugale), le pouvoir qui lui est accordé dans le domaine familial ou religieux constituent un danger. L’abandon du nom du père, par exemple, n’est pas le moindre indice d’un dysfonctionnement de la société. Ils laissent ordinairement leur cognom et leur nom de famille, et mesme les femmes les noms de leurs maris, pour prendre le nom de leurs maisons, pour chétives qu’elle soyent (p. 45) ».

Cette menace affecte personnellement le magistrat bordelais, séduit par la beauté des Labourdines, et frustré peut-être, non seulement dans sa condition d’homme, mais également dans sa condition de juge, face à l’inertie de l’institution judiciaire, et décidé à faire régner l’ordre, ou sa conception personnelle de l’ordre. Rostéguy de L’Ancre est également connu pour cette observation, faite pendant sa mission, concernant les bains de mer de Biarritz, qu’il juge contraires à la morale : « ce mélange de grandes filles et de jeunes pêcheurs qu’on voit à la côte en mandille, et tout nus en dessous, se pêle-mêlant dans les onde (d’après le site Matriarcat).

« La religion basque originelle est centrée sur Mari, divinité féminine qui incarne « la nature ». Elle est aussi appelée Anbotoko Mari, Anbotoko Dama (la dame d’Anboto) ou Murumendiko Dama (dame de Murumendi), Maya, Lezekoandrea et Loana-gorri. Étymologiquement, son nom signifie «celle qui donne», il est formé par le radical verbial –ma– signifiant « donner » et le suffixe –ari qui indique une activité (Lanari → travailleur).

Parmi les primitives déesses-mères européennes, elle est la seule qui soit arrivée jusqu’à nos jours. Elle est le personnage mythique le plus significatif des traditions basques, étant la maîtresse de tous les génies telluriques. Elle est la créatrice, la Grande Mère qui enfanta le monde.

Mari est décrite conduisant dans le ciel un chariot tiré par des chevaux ou des béliers (comme Thor ?). Ses idoles portent habituellement une pleine lune derrière la tête. Elle est souvent aperçue habillée de rouge. Elle est aussi vue comme une femme du feu, une femme-arbre, et une femme-foudre. De plus, elle est identifiée avec des animaux rouges (vaches, béliers, chevaux…), et avec le grand bouc-noir.

Mari et la vierge Marie : Il est difficile de croire qu’une déité si importante, seule divinité réellement connue des Basques avant la Chrétienté (avec son amant), ai un nom dérivé de Marie l’icône chrétienne. De toute façon, il est bien évident que la proximité dans les noms a pu aidé à fondre le culte païen de la déesse Mari dans une vénération chrétienne de la Vierge Marie. De nos jours, à chaque fin de messe au Pays basque, le dernier chant liturgique est toujours donné en l’honneur de Marie.

Il lui est associé la divinité mâle Sugaar, représentation des colères du ciel, tonnerres et orages. Mari vit sous terre, normalement dans une caverne en haute montagne, où elle et son amant Sugaar se rencontrent chaque vendredi (la nuit de l’Akelarre ou le rendez-vous des sorcières) pour concevoir des orages qui apporteront la fertilité à la terre et au peuple. Contrairement aux dieux des religions patriarcales, Mari ne puni pas, on est libre d’avoir ou non des relations avec elle. Ce qui veut aussi dire que les catastrophes naturelles ne sont pas interprétées comme des châtiments.

«  Dans la religion naturelle Basque, dont l’une des images centrales était la Dame (ou Dame Mari), on célébrait les rites essentiels de la régénération et de la fertilisation appelés Akelarre. Cela peut expliquer l’importance de la chèvre (Aker) et du crapaud, symboles respectivement de fertilité et de fécondité. Tout cela remet en question le modèle familial patriarcal (basé sur le pater familias) hérité de l’Eglise romaine. Cela ne pouvait être toléré » – Josu Naberan , « Le Retour du Sugaar » On dit que Mari est servie par une cour de sorginak (sorcières). Son culte est déterminant pour la fertilité-fécondité, elle emmène la pluie ou la grêle (mauvais temps). Suivant où elle se trouve, il y aura du bon ou mauvais temps. De ses forces telluriques dépendent les récoltes, dans l’espace et le temps, la vie et la mort, la chance, la tolérance et le malheur. Anboto a toujours été associée à la magie et à la mythologie. Dans une caverne près de son sommet, la légende raconte que Mari, la dame d’Anboto, a sa principale résidence. La légende dit qu’on peut la voir souvent à l’entrée de la caverne par beau temps, peignant ses beaux cheveux blonds avec un peigne d’or au soleil.

Des cultes plus archaïques de cette déesse ont été trouvé à Karrantza (Biscaye) et datent de la culture magdalénienne entre 15.000 et 8.000 avant JC (fin du Paléolithique supérieur, nord de l’Espagne, France, Suisse et l’Allemagne). Il s’agit d’un temple souterrain dédié à une déesse primitive, au fond d’une grotte.

Le stalagmite de la grotte de Zelharburu (à Behera en Navarre) est une autre des grandes découvertes de l’origine du culte de la déesse Mari. De nombreuses études ont démontré que ce stalagmite a joué le rôle d’idole dans le culte de la déesse pré-chrétienne Mari au pays Basque.

Harpeko Saindua signifie en basque « la sainte (ou le saint) de la grotte ». On peut aussi trouver les graphies arpeko et saindia, xaindua, xaindia. Harpeko Saindua désigne une stalagmite de la grotte de Zelharburu, à Bidarray, en Basse-Navarre (Pyrénées-Atlantiques). Une légende raconte qu’un jour, une jeune bergère était partie chercher ses chèvres. Elle alla vers les rochers sous les falaises de l’Artzamendi. Ne la voyant pas revenir, les hommes partirent à sa recherche.

L’un d’eux découvrit l’ouverture d’une grotte, et il trouva la jeune fille pétrifiée, figée à jamais dans le rocher. Selon certains témoignages recueillis par le père Barandiarán, c’est une traînée lumineuse (semblable à celle que peut laisser le passage de Mari) dans le ciel qui indiqua l’emplacement de la grotte. À cause de l’eau qui en coulait goutte à goutte, on l’appela la « sainte qui pleure ».

On commença à y venir, de très loin, pour solliciter ses vertus thérapeutiques : ses fidèles recueillaient sur des linges l’eau suintant, guérissant les maladies de peau et des yeux lorsqu’on en frottait les parties atteintes. Un grand pèlerinage avait lieu chaque année pour la Trinité. Les fidèles plaçaient des bougies devant la stalagmite, et laissaient des offrandes : pièces de monnaie, petites croix, vêtements des malades, mouchoirs. La pratique des offrandes n’est pas spécifique au Pays basque, et remonte à bien avant le christianisme. Avant la « sainte de la grotte », c’est la figure de Mari, la grande déesse des Basques, qu’on y vénérait. Aujourd’hui, il est courant d’appeler ce personnage saint Bidarray.

Un autre personnage fondamental de la mythologie est Amalur littéralement «Mère Terre». Le radical AMA– signifie mère, et dérive du radicale verbial –MA-, qui on l’a vue signifie donner; alors que LUR signifie terre. Amalur est souvent assimilée à Mari, mais elle est parfois considérée comme sa fille. Dans la mythologie basque on considère la terre Lur comme étant la mère du soleil (Eguzki) et de la lune (Ilargi Amandre), elles aussi féminines, et surnommées  »grands-mères ». Lorsque la lune monte à l’orient, on lui dit : « Ilargi amandrea, zeruan ze berri ? » « Lune grand-mère, quoi de neuf dans le ciel ? « .D’après le site basque https://www.bilketa.eus

Extrait du premier  livre « Tableau de l’inconstance des mauvais anges et des démons », augmenté par un livre nouveau, « l’inconstance de toutes les nations »qui se vendit à travers toutes l’Europe provoquant des chasses aux sorcières pendant des siècles  :

Pierre de Lancre, écrit  « pour monstrer particuliérement que la sitiuation du lieu est en partie cause qu’il y a tant de Sorciers, il faut sçavoir que c’est un pays de montaigne, la lizière de trois Royames, France, Navarre, Espagne. Le meslange de trois langues François, Basque, & Espaignol, l’enclaveure de deux Eveschez, car le Diocèse d’Acqs va bien avant dans la Navarre. Or toutes ces diversitez donnent à Sathan de merveilleuses commoditez de faire en ce lieu ses assemblées & sabbats, veu que d’ailleurs c’est une costé de mer qui rend les gens rustiques, rudes & mal policez desquels l’esprit volage est tout ainsi que leur fortune & moyens attachés à des cordages & banderolles mouvantes comme le vent, qui n’ont d’autres champs que les montagnes & la Mer, autres vivres & grains que du millet & du poisson, nesur autres nappes que leur voiles. Bref leur contrée est si infertile qu’ils sont constraincts de se jetter dans cest élement inquite, lequel ils ont tellement accoustumé de voir orageux, & plain de bourrasques, qu’ils n’abhorrent & n’appréhendent rien tant que sa tranquilité & bonnace : logeant toute leur bonne fortune & conduite sur les flots qui les agitent nuict & jour : qui faict que leur commerce, leur conversation & leur foy est du tout maritime : traictant toutes choses quand ils sont sur les ondes & en ondoyant ; tousjours hastez & precipitez, & gens qui pour la moindre grotesque qui leur passe devant les yeux, vous courent sus, & vous portent le poignard à la gorge ».

nota: voir l’excellente série télévisée « Les filles du feu »,

*il écrivit un livre sur les juifs dans la même veine :  » le traité sur les juifs »