Pour parler des juifs en France et Europe, j’ai choisi un cas particulier bien identifié, « les juifs du papes. »
«Les juifs du pape» étaient là bien avant que les papes soient à Avignon. Ils sont les héritiers d’un judaïsme provençal dont les origines remontent à l’Antiquité.
La première présence de la diaspora juive en Provence date du Ier siècle.
Dans la cité d’Avignon elle-même, la communauté juive est attestée au moins dès le IV éme siècle. Puis, elle a dû perdurer mais les témoignages historiques se font très rares : presque plus rien avant le X éme siècle.
Les données sont beaucoup plus abondantes à partir des XII éme et XIII éme siècle. En 1178, l’empereur Frédéric Barberousse, suzerain de la Provence, met les juifs d’Avignon sous la protection de l’évêque.
On trouve alors des juifs dans la plupart des villes de Provence : une ou deux familles dans les bourgs, de véritables communautés dans les cités plus importantes. Telle est la situation lorsqu’ en 1274, le Comtat Venaissin passe sous l’autorité du pape.
La « chance » pour les populations juives de la Provence médiévale est la coïncidence historique entre l’édit d’expulsion de Philippe le Bel en 1306 et l’établissement de la papauté en 1309.
A l’époque des papes d’Avignon, en quoi consiste le statut des Juifs dans l’enclave pontificale ?
Il n’est pas question d’un régime d’égalité avec les chrétiens, dans un Moyen Age qui en ignore l’idée même. Juridiquement parlant, une certaine égalité existe pourtant, puisque les juifs y sont considérés comme «citoyens» au même titre que les chrétiens: les tribunaux sont les mêmes, les contrats sont validés par les mêmes notaires. Dans la pratique, la plupart des différends qui opposent les juifs entre eux sont réglés à l’amiable au sein de la communauté, par des arbitres désignés. (d’après le site linquisitionpourlesnuls)
Durant le XIV éme siècle, les papes résident en Avignon où la présence de la cour papale favorise l’activité des Juifs, malgré une tentative de les en expulser en 1322, mais Jean XXII expulse les Juifs d’Avignon et du Comtat qui se réfugient en Dauphiné et en Savoie.
Pour parfaire l’expulsion, le pape juge utile de faire jeter à bas les synagogues de Bédarrides, Bollène, Carpentras, le Thor, Malaucène, Monteux et Pernes.
Cette expulsion est de courte durée et, le même pape, en 1326, lors du concile d’Avignon impose aux garçons juifs dès l’âge de quatorze ans de porter la rouelle jaune et, aux filles, dès douze ans, de s’affubler d’un voile distinctif (cornalia ou cornu).
Puis en 1326, les papes permettent aux Juifs de résider dans le Comtat et en Avignon sans être inquiétés et donc à de nombreux Juifs de France d’échapper aux persécutions dont ils sont victimes. En outre, Clément VI protège les Juifs, lors des massacres liés à l’épidémie de peste noire.
Mais en 1394, les Juifs sont définitivement expulsés du royaume de France.
Dans le Comtat Venaissin*, les Juifs peuvent continuer à résider sous certaines conditions : port d’un chapeau de couleur jaune, paiement de taxes supplémentaires, obligation d’assister périodiquement à des prêches les appelant à la conversion, etc.
Leur sort, au début de l’administration du Saint-Siège, est tout à fait comparable à celui des autres Juifs provençaux. Par exemple, comme ailleurs en Provence, de nombreux médecins sont juifs : en Avignon, en 1374, il y a six médecins juifs qui, de par le concile de 1341, voient leurs émoluments bien inférieurs à ceux des médecins chrétiens.
Durant la période où les papes résident en Avignon, le commerce juif reste florissant. Les commerçants juifs approvisionnent la cour papale en vivres, en draps, en chevaux, en parfum, en bijoux de corail et en perles pour les chapelets, le tailleur de Grégoire XI est un Juif. En 1374, 87 des 94 marchands de tissus de la ville en sont issus. Il y a aussi quelques prêteurs d’argent. Certains sont médecins ou même fermiers.
La synagogue est dans une sorte de cave. Les Juifs ne peuvent sortir de la « carrière » que le jour et, vêtus de vêtements particuliers, dont un chapeau jaune.
À Carpentras, où la « carrière » était plus petite et plus peuplée qu’en Avignon, les immeubles pouvaient atteindre sept ou huit étages.
En 1492, les Juifs sont expulsés d’Espagne mais le pape Alexandre VI leur interdit l’accès d’Avignon et du Comtat.
Ils sont obligés, à partir de la fin du XVI éme siècle, de s’installer dans une des quatre comtadines, c’est-à-dire un quartier de quelques rues bien délimitées fermées chaque soir. Dans les zone de logements juifs, les maisons atteignaient ici 4 à 5 étages pour gagner un peu de place, aux dépens de la solidité, (c’est la même chose à Venise et sans doute partout).
Les Juifs du Pape semblent avoir eu de bonnes relations avec leurs concitoyens chrétiens. Un judaïsme comtadin original se développe. Il ne se rattache ni au courant séfarade (d’origine espagnole, qui se rencontre dans les régions du bassin méditerranéen et en France dans le Sud-Ouest) ni au courant ashkénaze (de l’Alsace-Lorraine et de l’Europe centrale et orientale). Il se caractérise par une organisation très structurée des communautés, un rituel propre. Les juifs parlent le shuadit, un dialecte judéo-provençal.
La Révolution française, avec le rattachement à la France d’Avignon et du Comtat Venaissin, marque pour les Juifs une véritable libération. Malgré l’opposition de certains, les juifs du Pape deviennent citoyens français. En quelques années, les « carrières » se vident, malgré l’arrivée de Juifs ashkénazes.
Les Juifs prennent une part active aux événements révolutionnaires, en particulier à Nîmes, et se dispersent dans toutes les grandes villes du Midi, et jusqu’à Paris.
*Le Comtat Venaissin, ou Comtat, est une partie du département de Vaucluse, entre Rhône et Durance, mont Ventoux et Dentelles de Montmirail, comprenant les villes de Carpentras, Vaison-la-Romaine, L’Isle-sur-la-Sorgue et Cavaillon. Il correspond en grande partie à la communauté de communes Communauté d’agglomération Ventoux – Comtat Venaissin.