Voici un texte de Guy Corneau * dans son livre au titre plutôt inadéquat “N’ y-a-t-il pas d’amour heureux ?” puisqu’il parle plus des parents que de l’amour entre deux êtres. (Pages 187, 188, 189).
Il met certaines choses à leur place avec cependant un peu de férocité, mais aussi de justesse. Bien sur, il ne s’agit pas de tout le monde, et on ne peut juger les situations sans les connaitre , mais il faut quand même être conscient que cela existe : j’ai ajouté quelques bémols parce que cela me semblait nécessaire. En effet, les psy ont depuis Freud mis les parents en accusation, et notamment les mères ont payé un lourd tribut. Il faut prendre en considération la libération de la fécondité apportée par la contraception qui a permis un net progrès dans l’accueil de l’enfant, contraception qui est depuis remise en cause par les jeunes femmes sous pretexte de méthodes naturelles, etc.
On ne dira jamais assez que ce que le progrès a apporté à l’accueil de l’enfant et évité d’enfants maltraités, d’abandons, de génocides, ce que l’on voit encore dans tous les milieux ; il est fort dommageable qu’au nom de l’apologie de la nature, on revienne à des attitudes qui finiront par ramener les maux qu’on connu nos mères ( famille nombreuse dans la misère, avortements,) en deux mots enfants non désirés. Les mouvements actuels ont montré plus de violences dans les couples, d’où il résulte de plus en plus de foyers monoparentaux, qui sont souvent plus heureux affectivement mais généralement peu riche financièrement, toujours dans un équilibre précaire.
La moindre des choses est de prendre conscience des dangers que courent les mamans, dans une période où les mouvements extrémistes prônent “le retour à la nature” au point qu’on doive tout faire soi-même supprimant les bienfaits que le progrès avait apporté aux femmes, et qui seront les premières victimes de ce retour en arrière : faire tout soi-même, avec des hommes toujours occupés ailleurs, revient à être une esclave, quelque soit sa couleur de peau. Aussi il faut savoir jusqu’où l’on peut être admirable…
” car la plupart des mythologies prêtent à la mère les attributs de dévouement et de générosité qui vont jusqu’au sacrifice de soi. Les diverses représentations de la “mater dolorosa” en font foi. Il va s’en dire que les pères sont tout aussi narcissiques, que les mères peuvent l’être, et causent les même torts aux enfants, s’ils agissent de même…
“Mais bizarrement la figure maternelle y possède aussi son contraire, si elle est donneuse de vie, elle est aussi porteuse de mort. Chaque mère porte ce coté destructeur et, mieux vaut qu’elle le reconnaisse, si elle ne veut pas qu’il se retourne malgré elle, contre ceux et celles qui lui sont chers…”
“Les principales formes d’expression que peut prendre ce qu’on appelle “l’ombre” maternelle lorsqu’elle n’est pas reconnue consciemment s’appellent le narcissisme (particulièrment fréquent lorsqu’il s’agit d’une fille), le perfectionnisme, la surprotection, et la culpabilisation, (éventuellement la violence on le sait de plus en plus).”
“La frustration des besoins essentiels dont nous venons de parler est principalement responsable du développement de ces dynamiques. Elles vont lier la mère et le fils, la fille, dans un cercle vicieux de dépendance et, de culpabilité qui empêcheront l’homme et la femme en devenir d’émerger.”
“Les enfants intègrent les blessures psychologiques du père et de la mère par le biais des complexes parentaux qui représentent les parents à l’intérieur du psychisme. Ces complexes assiègent le “moi” toutes les fois qu’il n’est pas aligné sur les injonctions parentales (ordres qu’on ne peut discuter). Ainsi toutes les blessures se transmettent d’une génération à l’autre.”
“Les mères qui ont manqué de père arrivent en couple avec ce qu’on appelle un complexe paternel négatif, leur créativité est brimée, elles sont déçues par leur partenaire, l’animus * s’agite, elles s’attaquent à l’éducation d’un enfant pour en faire un petit dieu, deviennent exigeantes, le fils développe un complexe maternel négatif en réaction aux pressions de sa mère, a peur des femmes, néglige sa partenaire et ses filles, celles-ci développent à leur tour des complexes paternels négatifs, épousent des hommes qui ont peur d’aimer et, ainsi de suite ; tout est lié dans une danse sans fin, qui tisse le fil de la vie.”
“La première blessure narcissique qui se transmet des parents aux enfants, à travers les blâmes et les reproches, est sans contredit le manque d’estime de soi… la blessure d’amour qu’une mère a reçu de son propre père et qui est renforcée par le fait qu’elle vit dans une société patriarcale, qui lui accorde peu de valeur influence son degré d’ amour d’elle-même”.
“Réussir son enfant devient alors l’entreprise où elle va tenter de se mettre en valeur et, de rehausser son estime (la pauvre innocente). Elle se retrouve ainsi en miroir avec son petit (petite), à la merci de ses attitudes et, de ses agissements pour son équilibre à elle…”
“Elle se rend très vite compte qu’il est impossible d’être bonne sur tous les plans, elle privilégiera donc une fonction et s’y donnera pleinement…Si elle tient en haute estime la performance scolaire, elle refusera les échecs. Si elle aime la propreté, gare à celui qui salira sa maison, etc… ”
“Tant que sa fonction de prédilection ne sera pas heurtée, elle conservera son équilibre psychologique ; bien entendu, on ne peut reprocher à une mère d’exprimer son amour à travers les soins (ou autre chose) car cette fonction doit être remplie !”
“Cependant, lorsqu’une femme y investit sa personnalité entière, cela conduit à des retournements dont elle devient la première victime, mais dont les enfants feront (aussi, peut-être) les frais dans un deuxième temps.”
“Tout ce qu’elle s’impose sera exigé d’eux, en retour (mais elle peut évoluer). Sa valeur propre finira par reposer sur le fait que les enfants arrivent bien à l’école, parlent bien, ne se révoltent pas, etc (on a toujours considéré les parents responsables pénalement de leurs enfants, ce qui fait qu’on ne peut , en même temps, le leur reprocher) . Inversement, la blessure parentale risque d’ engendrer le même problème chez l’enfant.”
“Un être qui ne voit pas son existence naturelle confirmée comme étant bonne et agréable, sans qu’il est à accomplir mille “singeries” (ça passe de faire de la danse pour épater la galerie, à devenir pharmacien pour plaire à papa) pour être accepté se retrouve avec un problème narcissique sur les bras : il ne s’aime pas et aura de la difficulté à s’aimer. Il développera une fausse personnalité, qui suivra les grandes lignes de ce qui plait aux parents, et, délaissera les autres parties de lui-même.”
“On l’accusera par la suite d’être égocentrique, centré sur lui-même, susceptible et incapable d’empathie. Cela est valable dans le mesure ou son véritable moi, a manqué de renforcement positif. Ayant perdu le contact avec son identité profonde, il se retrouve du même coup, coupé de la vie , des racines de l’amour.”
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